Renaud Lembo : 
« J'aime impliquer les gens dans mon travail! »
Renaud Lembo, céramiste à Vallauris (Alpes-Maritimes), est spécialisé dans la « Céramique signalétique ». Il se consacre à la fabrication de plaques signalétiques de rues et de propriétés, puis dans le traitement et le transfert d'images sur panneaux muraux. En conséquence il a réalisé plusieurs œuvres dans l'espace public. Pendant notre entretien dans son atelier, il émaille une plaque qui fait partie de son dernier projet avec l'artiste Dominique Landucci, pour un passage à Carros (06).
Renaud Lembo
Astrid : Comment es-tu arrivé à faire des œuvres pour l'espace public?

Renaud :
Par rapport au matériau qui est adapté! C'est un matériau qui est fait pour être à l'extérieur, qui résiste aux intempéries, qui résiste au froid, à la neige, à la poussière, qui peut être lavable. Voilà, c'est juste par rapport au matériau.
Au départ, je faisais des plats. Je faisais des plats et assiettes, depuis plusieurs années je faisais des services de table et des choses similaires, donc une céramique utilitaire. Et puis quelqu'un m'a demandé le nom de sa maison sur un plat. Et je dis tiens, c'est bizarre. Et une deuxième fois quelqu'un ma demandé le nom de sa villa sur un plat. Et sur ce coup là, je me suis dis, c'est ridicule … il faut que je me spécialise dans les plaques, c'est un support plus adapté qu'un plat.
Il faut dire que tous les ateliers de Vallauris ont fait des plaques des rues, des plaques de maisons, mais personne ne s'est spécialisé là dedans vraiment. Alors, à partir de 1989, j'ai créé la céramique signalétique. Donc, il y a pile 20 ans. Par la suite j'ai fait des panneaux muraux.
Astrid : A partir de 1996 tu as réalisé des signalétiques dans les villages, par exemple au Broc (06) et  à Saint Agnès (06).

Renaud : Oui.

Astrid : C'était des plaques des rues?

Renaud :
Oui. En général je travaille les plaques à peu près sur le format A3.
J'ai adapté mes fours, tout mon matériel est adapté pour ce genre de format. Après, si le format dépasse, je fais plusieurs plaques, je fais deux plaques, trois plaques etc.

Astrid : Comment t'es-tu inspiré pour faire ces plaques là? Est-ce que les villes ont dit qu'elles voulaient quelque chose de particulier? Est-ce qu'elles ont donné des modèles?
Renaud : Non. Je les fais simplement choisir entre plusieurs écritures différentes. Mais ce qui n'est pas très intéressant dans les villages, c'est qu'ils veulent que toutes les plaques soient  identiques. C'est compréhensible. Ils veulent que les gens voient au premier coup d'œil. Si tu fais plusieurs plaques différentes, ça va être plus intéressant pour ton travail, mais pour eux ce n'est pas le but. Ce qu'on demande à la signalétique, c'est de signaler.
Renaud : Non, il n'y a aucune invention. Toutes les plaques sont identiques, mais différentes, puisque les noms sont toujours différents.
Et à Saint Agnès, eux, ils ont la particularité d'avoir la gothique partout. Ils utilisent l'écriture gothique pour des commerces. Toute  leur signalétique est faite en gothique. Ça n'a pas été trop dur, parce qu'ils m'ont demandé directement du gothique.

Astrid : As-tu pu inventer un peu?
« J'ai eu besoin d'éprouver ma technique »
Vallauris Plage
Renaud : J'avais fait quelques panneaux muraux, mais très peu. Alors j'ai eu besoin d'éprouver ma technique, de voir si j'étais capable de faire une très grande pièce. « La Vague » ça fait un ensemble de 7 m². C'est assez important. C'était difficile d'avoir une commande pour un grand travail comme ça, dans la mesure où j'en avais jamais fait. C'est logique. Il fallait que j'en fasse une.
J'étais un peu copain avec le type de Golfe Juan, parce que je prends mon bain presque tous les matins, c'était là-bas. Un matin je vois qu'il était furax, parce que sa façade était taguée. Et la dessus m'est venue l'idée 'Tiens ça serait pas mal de faire un travail en plaques'.

J'avais fait une maquette de « La Vague ». Mais je n'avais pas envisagé de la mettre quelque part. Un jour j'étais dans l'eau et je me suis dis, 'Tiens, c'est la place idéale. Du coup j'avais vu, je l'ai vu finie …'
 
Astrid : Après plusieurs commandes de particuliers  tu as réalisé « La Vague » à Golfe Juan.
Et le jour où je l'ai vu râler, je lui ai dit, 'Moi, je peux peut-être te faire un travail céramique promotionnel pour moi et pour toi ça évitera que l'on te tague ta façade.' Voilà, il m'a dit 'C'est une bonne idée, qu'est-ce que tu pourrais faire?' Donc, je lui amène la maquette. Il m'a demandé si je pouvais faire une signalétique « Vallauris Plage ». J'ai dit 'Oui'. Alors c'était une action, je ne lui pas fait payer, parce que c'était promotionnel. Le type était vraiment formidable, il a organisé le vernissage, une inauguration avec drap pour cacher le truc, les gens ont fait un groupe sur la plage, c'était vachement bien.
Mais tu le fais qu'une seule fois. Tu ne peux pas te permettre de faire un gros travail comme ça gratuit. J'ai bossé à peu près deux mois et demi la dessus, sur un travail qui n'était pas rémunéré … par contre ça m'a beaucoup servi.
Lors du vernissage il y avait aussi un adjoint de la municipalité …  En fait, j'ai pu avoir la commande du conseil général complètement grâce au travail que j'avais fait à Golfe Juan.
« La Vague » m'a permis d'avoir d'autres travaux en matière de panneaux en fait. Et moi, ça m'a permis d'éprouver ma technique, de voir si j'étais capable de faire ce genre des choses.
Rond-point St. Bernard
Le rond-point de St. Bernard : "Golfe Juan sans Napoléon ça n'existait pas …" 1
Astrid : Est-ce qu'il y avait des directives pour la réalisation du rond-point Saint Bernard de Vallauris?

Renaud :
Oui, c'était que ce soit couleur terre. Il fallait qu'on voit la terre cuite, brute de préférence. C'était vraiment la seule directive.
Alors ensuite, ce rond-point c'est en forme d' ondulation. Ça veut évoquer la mer … et puis les thèmes, c'est moi qui les ai choisis, ce sont des thèmes un peu démago ... les thèmes logiques: le thème du tourneur, Jean Marais, Picasso et Napoléon.
Jean Marais
Au départ j'avais fait un portrait de Jean Marais, mais on ne reconnaissait pas vraiment Jean Marais parce que Jean Marais était un acteur qui a joué plein de rôles et en conséquence il avait une tête un peu interchangeable  … Pour le portrait de Picasso c'était bien le contraire: Picasso n'a jamais joué que son propre rôle, alors on le reconnaît du premier coup d'œil. Jean Marais on m'a dit qu'on le reconnaissait pas trop …
Les mains de tourneur, là j'ai travaillé sur le négatif d'une photo d'un copain et ce qui me plaît est qu'on ne voit pas du premier coup d'œil que c'est les mains d'un tourneur. C'est assez intéressant, parce qu'il y a plein de gens qui m'ont félicité, des gens qui ont vu des visages, des bateaux … les gens ont vu plein de trucs, bon moi j'étais assez content parce que finalement l'art c'est ça, chacun voit ce qu'il a envie de voir.
 
Le image de Jean Marais était pris de sa carte de visite. 1
Et pour Napoléon, je ne suis pas Bonapartiste, j'ai ne l'ai pas signé, mais Golfe Juan sans Napoléon ça n'existait pas …

Astrid : Le rond-point à l'entrée d'une ville sert quelque part comme d'image de marque pour les arrivants. Est-ce que ça t'a influencé?

Renaud : Oui, c'est ça! J'ai donné un résumé finalement. Mais on aurait pu mettre d'autres thèmes: les oranges, la fleur d'oranger, le jasmin … mais ce sont des quatre thèmes principaux … et c'était pour faire plaisir un peu à tout le monde.
Picasso
Les mains de tourneur
Picasso :
après une photo de André Villers
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Les mains de tourneur :
après le négatif d'une photo
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Astrid : Le rond-point en 1998 c'était le premier grand travail que tu as fait pour un client public?

Renaud :
Oui

Astrid : C'était une différence que de travailler pour un particulier?

Renaud :
Travailler pour une municipalité, c'est compliqué, parce qu'ils ont des délais de paiement qui sont très longs. Sarko a fait une loi qui oblige les mairies d'être un peu plus rapide dans les paiements.
Maintenant la différence: travailler pour un particulier c'est différent! Par exemple : j'ai des clients à qui j'ai fait des cadrans solaires, qui me disent: 'Je pense à vous tous les matins.' Donc, ça me fait plaisir, parce que le type me dit: 'La première chose que je fais le matin en sortant de chez moi, est de regarder mon cadran solaire et de penser à toi.'
Après, chez le particulier, c'est une garantie de paiement rapide puisque … mais le conseil général a fait un paiement par tranche c'était aussi bien. Ce n'est pas que je suis intéressé plus que ça, mais le fric c'est quand même … un atelier ça coûte cher ...
Renaud Lembo, issu d'une famille de
céramistes, il grandit dans les ateliers et y acquiert les premières bases de son
métier. En 1980, après avoir travaillé pour diverses entreprises : Garro, Bianco, Natoli, Olivier Roy, il ouvre son premier atelier. Il met rapidement au point une technique de gravure sur terre crue qui lui permet de produire des
pièces uniques. En 1989, il adapte sa technique, « Céramique signalétique ». Depuis, il a réalisé des plaques signalétiques et des panneaux muraux pour des particuliers, mais aussi dans l'espace public. Il expose régulièrement à Vallauris et ses alentours. De plus il a participé à des expositions de groupe en Allemagne et en Hongrie.
Les œuvres dans l'espace public:

1996         
signalétique village du Broc (06) - plaques de rue

1997         
signalétique village de Saint Agnès (06) - plaques de rue
« La Vague », Vallauris Plage, Golfe Juan - panneau mural

1998        
rond-point du CDIS, Saint Bernard, Vallauris - 4 modules
signalétique « rue Ramié », Vallauris, plaque de rue

2003
Monument du jumelage, Square Nabonand, Golfe Juan - panneau

2006
École Gachon, Golfe Juan - panneau mural

2008        
Cadrans solaires, Coaraze (06), réalisations après des modèles de Ben, Sosno, Henry Maccheroni et Fabienne Barre
Caserne de pompiers, Vallauris - Blason céramique

2009        
Céramicité avec Dominique Landucci, Carros, Les Blés d'Or - panneaux muraux
Renaud Lembo
11 bis, bld des deux vallons
06200 Vallauris
e-mail : renaudlembo@gmail.com

http://renaudlembo.com
Monument du jumelage
 Astrid : En 2003 tu as fait le « Monument du jumelage » Square Nabonand à Golfe Juan. Y avait-il un concours?

Renaud : Non. Ils m'ont demandé directement.

Astrid : Et là, il y avait des directives aussi?

Renaud : Non, mais j'avais la maquette pour le projet à Lindenberg, mais mon projet n'était pas retenu. Donc, je l'ai réutilisé tout simplement pour autre chose, au moins ça m'as permis de ne pas l'avoir  fait pour rien.

Astrid : Tu m'as déjà décrit l'idée. Ce sont des symboles des villes. Pour Vallauris il y a le potier, l'église et d'autre côté, pour Lindenberg il y a le chapeau et aussi l'église.
La maquette
du monument du jumelage à Golfe Juan
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Deuxième partie sur le panneau mural de l'École Gachon à Golfe Juan, les cadrans solaires de Coaraze, la Céramicité à Carros et les réactions différentes du public.

2ième partie

Exposition: été 2009
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Photos:

1 © Stephan Goseberg

2 © Renaud Lembo
 
©  2009 ARTIFICIALIS
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